Yama & Niyama

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YAMA ET NIYAMA

Sri Patanjali dans les Yoga Sûtras énumère les 8 disciplines du yoga  : yama, niyama, asanas, pranayama, pratyhara, dharana, dhyana et samadhi. Ces 8 « anga » (membres, piliers) permettent, par des moyens différents, de supprimer les impuretés du corps et du mental pour atteindre le Samadhi, l’état d’éveil, l’état d’union. Nous pouvons penser qu’il y a une progression dans ces 8 « anga », peut être mais chacun peut également, à lui seul, être une porte vers le samadhi.Le sommet de la montagne est le même pour tous mais les chemins diffèrent.

Sri Pattabhi, qui perpétua et donna ce nom d’’Ashtanga Yoga à la pratique,  préconise de commencer par les Asanas (les postures). Une fois la pratique fermement établie, l’élève peut poursuivre par le Pranayama (les exercices de respiration). Et les deux premiers principes Yama et Niyama « couleront de source ». Il est pourtant nécessaire de s’y pencher maintenant.

Les 4 premiers piliers concernent davantage « l’Être extérieur » car il agit sur le niveau physique essentiellement et sur les relations avec le monde extérieur. Une fois que l’élève aura intégré les 4 premières disciplines, il sera prêt pour les 4 dernières qui concernent « l’Être intérieur » car elles régissent les rapports, la découverte et la conscience du « moi intérieur ».

Dans le texte qui suit, j’envisage les Yama et Niyama pour notre vie de tous les jours mais aussi sous l’angle de notre pratique de yoga. Il s’agit de poser la réflexion sur quelque chose de concret. Le travail intense et précis que nous faisons sur les postures, pour l’énergie est un terrain d’observation. Bien entendu,  il engage bien autre chose que le corps. La pratique est là pour éclairer la vie alors nous pouvons prolonger cette observation dans notre vie quotidienne.

De mon point de vue , les yama et les niyama ne sont pas à considérer d’un point de vue moral, c’est-à-dire imposés de l’extérieur. Ils sont d’ordre éthique, c’est-à-dire qu’ils émergent de notre conscience et deviennent ainsi intimement nécessaires. C’est une écologie intérieure.

Pas des règles à respecter mais une façon d’être plus conscients de nos schémas, de nos actes et de notre responsabilité à tous les niveaux de notre vie. Ils apportent un éclairage, une conscience accrue dans notre pratique comme dans la vie. Et je suis certaine que la pratique de l’attention nous apaise si nous sommes d’accord d’être bienveillant envers nous même.

Ces points d’éthique ont une autre vertu , celle de nous donner un appui pour penser, changer notre angle de vue et donc nous permettre d’agir. 

Plus je travaille ces notions plus je pressens que ceux-ci ont peu à voir avec l’être social que nous sommes, même s’ils peuvent être « utiles » . Ils ne me semblent pas être là pour aider une société à se maintenir mais pour que le vie elle-même puisse vivre. Ils ont tant à voir avec l’amour de soi et de la vie en général.

 

YAMA : Pour vivre avec soi et les autres

Ahimsa : la non-violence, principe d’amour et de respect de la vie sous toutes ses formes.

La violence peut être physique, mentale, verbale et en pensée, envers les autres et aussi envers soi-même. Ce concept et tous ceux qui suivent sont très vastes et peuvent rester abstraits. De mon point de vue, ils sont à penser très intimement et concrètement afin de devenir des outils pour mieux voir.

Dans la pratique, ce yama nous incite à être conscient, vigilant sur la façon dont nous agissons  physiquement et mentalement. En faire trop, n’écouter que notre tête, nier le corps, passer les limites, vouloir avoir raison. La paresse peut aussi être une violence inversée,  une autre façon de nier notre énergie

Suis-je respectueux (se) de mon corps, de mon énergie ? Est ce que je pratique avec bienveillance ? Est ce que je sais m’arrêter?  Est ce que je me respecte ? Je suis exigent(e) envers moi même, suis-je aussi bienveillant(e) ? Je sais lâcher ?

Comment je procède pour ne pas engendrer de la violence dans mes rapports aux autres, avec moi-même ? Dans mes paroles ?

Satya : la vérité, l’authenticité, le besoin de clarté

Ce concept est vaste, il est essentiel d’aller chercher en soi ce que veut dire ce mot et comment il résonne intimement.

Nous sommes vrais lorsque notre parole, notre pensée et nos actions sont en accord. Se sentir en accord permet de résoudre certaines contradictions. Les contradictions nous tiraillent, sont source de souffrance alors que l’évidence de la vérité et sa clarté nous apaise.

Aussi ce yama implique que nous ayons fait un peu de tri dans ce que nous souhaitons pour notre vie, que nous connaissions nos désirs profonds ou que tout au moins nous nous mettions en recherche.

Ce n’est pas nécessairement par l’introspection que ceux-ci arrivent à la conscience mais en étant plus conscients et présents dans notre pratique, à nos ressentis, aussi dans notre vie ordinaire.

Ai-je le souhait d’être vrai (e) ? Qu’est-ce qui fait obstacle ? Comment se manifeste mon besoin de clarté ?

Je reconnaît mon ressenti intérieur ? Je vois mon corps tel qu’il est ?

Est-ce que ce que je dis est vrai ? Est ce que je mens ? Est ce que je cache ?

Je favorise ce qui est vrai, ce qui est exact ? Est-ce que j’arrive à être authentique sans violence dans mes rapports aux autres?

 

Asteya : non- vol, non-appropriation (aussi voir ce qui nous appartient)

Ne pas voler, ne pas convoiter, ne pas désirer un objet qui ne nous appartient pas, ne pas tirer parti des autres, de leur énergie.

Eviter de donner des réponses complètes est aussi un vol, tout comme garder les choses pour soi quand elles peuvent bénéficier à tous.

Ne pas se substituer à quelqu’un d’autre verbalement, Asteya est une invitation à chercher ses propres réponses, à se faire confiance.

Asteya implique honnêteté et générosité et aussi sens de l’effort pour obtenir ce que l’on souhaite. L’effort élève la force de vie, le courage.

Suis-je capable d’humilité dans ma pratique ? Quelle est ma réaction quand je ne « réussis » pas ? Suis-je compétitif (ve) ? Je veux gagner ? Suis-je d’accord de perdre ? Suis d’accord de donner ? Suis-je heureux (se) de ce que j’ai ? Quels efforts suis-je capable de faire pour obtenir ce que je souhaite vraiment ?

 

Brahmacharya : le contrôle des sens, de l’énergie, la retenue. (souvent traduit par « retenue sexuelle », « abstinence sexuelle »)

Ne pas gaspiller son énergie, être juste de ce point de vue.

Dans les pratiques, il ne s’agit pas d’en faire trop mais également de ne pas sous-employer son énergie car dans les deux cas elle est gaspillée.

S’observer de ce point de vue, c’est aussi reconnecter avec ce qui est naturel en nous, avec ce qui est vivant. La pensée psychologique prend beaucoup de place dans la vie des humains (d’aujourd’hui ?) et fait oublier que toujours, en nous, la vie est là.

Suis-je conscient(e) de mon énergie ? Ai-je toujours besoin d’en faire plus ou trop ? Je n’en fais pas assez ? Est-ce que j’écoute ? Je m’écoute ?

Mon énergie est-elle stable ? Ai-je besoin d’excitation ? Ai-je le souhait d’être stable ? Suis éparpillé(e) dispersé(e)? Est ce que j’aime mon calme ? Ai-je peur de la solitude ? Comment être plus conscient dans mas actes quotidiens?

Aparigraha : la non-avidité, le détachement.

Ce yama est le dernier, il est la conclusion et tous sont contenus en lui.

Il s’agit ici d’arrêter de « prendre », de demander mais également de comprendre, intimement, que « la nature des choses est de passer ».

Comprendre que,  lorsque nous désirons posséder quelque chose, c’est nous même qui sommes attrapés dans les stratagèmes du désir. Ces stratagèmes sont si bruyants qu’ils nous empêchent de voir la vie.  « Fermement établis dans la retenue nous pouvons connaître le sens de la vie » nous dit Patanjali (traduction Jean Bouchard d’Orval).  Libérés de ces mécanismes nous commençons à voir notre vie.

Ce yama  nous aide à choisir ETRE plutôt qu’AVOIR.

Il est un appel pour une liberté totale !

Qu’est ce que j’attends de la pratique ? Qu’ai-je envie d’obtenir en pratiquant ? Pourquoi je pratique le yoga ? Comment je réagis quand une séance est « difficile » ? Facile ? Suis capable de laisser tomber une « habitude » (dans la pratique par exemple)?

 

NIYAMA

Développer notre force intérieure, notre capacité d’introspection. Aller dans le sens de la vie

Sausha : pureté, clarté, honnêteté… bien s’occuper de son être

Propreté du corps physique et des pensées et des actions. Le yoga traditionnel propose tout un ensemble de nettoyages physiques (shat kriyas), des conseils pour l’alimentation. Il demande une pratique très régulière afin de garder le corps et l’esprit en bonne santé. Aller dans le sens de la pureté et de la clarté concerne aussi tous les domaines de notre vie quotidienne. Quand j’agis dans le sens de la vie (et non contre elle)… comment je me sens ?

Santosha : le contentement, état de contentement profond quelles que soient les circonstances de la vie. « Chaque jour est un bon jour, chaque moment un bon moment » Etre heureux de ce que nous avons, de ce qui nous arrive et se donner le droit à la joie. Trouver des moyens pour être dans cet état de contentement.

Tapas : Tap : s’embraser, se consumer, bruler …Il s’agit de la ferveur, de l’enthousiasme, de la persévérance, de l’autodiscipline

Nous reconnaissons la chaleur pendant la pratique, celle qui brule les impuretés du corps, aussi le feu intérieur, celui de la ferveur qui nous accompagne. La persévérance aide dans les moments de doute. S’engager dans tapas c’est pratiquer avec ferveur et réveiller la joie

Svadhyaya : étude et observation de soi, autoanalyse qui a pour but la connaissance véritable. Cela se fait au travers de l’étude des textes sacrés, aussi de l’observation de soi.

En pratique, écouter nos ressentis, nos émotions afin de mieux nous comprendre, nous voyons nos forces, nos faiblesses, nos résistances et nos réactions vis à vis de celles-ci. Comprendre notre corps, nos réactions c’est comprendre nos conditionnements, c’est accéder à une conscience sans jugement, avec bienveillance (sans culpabilité) pour une ouverture vers l’action vraie (et non la réaction)

Ishvarapranidhana : abandon au divin…

Faire confiance, s’abandonner, ne pas résister… certains disent à Dieu … à la vie, tout simplement.

Pouvoir s’abandonner est un concept très important et qui le devient de plus en plus au fur et à mesure des années de pratique. L’égo résiste, se crispe et dit «  je suis comme ça », la vie dit «tout est possible». S’abandonner c’est dire « oui » , c’est faire confiance, c’est donner, c’est se donner… corps et âme !